dimanche 27 septembre 2009

Repousser (un peu) les limites

Cette semaine, la Société des designers graphiques du Québec dévoilait son nouveau site Internet. Celui-ci se démarque des sites créés autour de systèmes de gestion de contenus habituels tant par son design que par son fonctionnement. D’autant plus que le premier sert le deuxième et vice-versa.    


Ainsi, le design général imite l’aspect d’une fenêtre Finder du système d’exploitation OS X des ordinateurs Macintosh. Clin d’oeil à l’outil par excellence des créateurs graphiques, le visuel permet également de minimiser les couleurs des pages et celles-ci se limitent donc à un dégradé de gris divisé sur les 4 bandes verticales de la page et à un bleu vif, couleurs auxquelles s’ajoutent celles, indépendantes, des vidéos et annonces. L’ensemble, finalement, est visuellement agréable, doux et harmonieux.   

En revanche, la lecture du site se fait à la fois sur la verticale (comme un site conventionnel) et sur l’horizontale. La navigation exige donc une adaptation certaine et force une réflexion sur nos habitudes d’utilisateurs du web.   

Devant un site destiné à un public formé de designers de tous âges, de clients potentiels et de curieux, la question se pose : en design web, faut-il privilégier le visuel ou le fonctionnement d’un site ? Ici, la SDGQ a fait le choix de pousser (un peu) les limites et de faire fi des conventions de navigation. Tant mieux.


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Departement signe le nouveau site de la SDGQ
Kuizin signe le nouveau logo

jeudi 17 septembre 2009

Mélange des genres

La semaine dernière, Art & Design Montréal présentait, à la SAT, une nouvelle exposition où les créations de plusieurs designers, photographes et illustrateurs étaient données à voir. L’exposition prenait le pari de révéler au public des oeuvres personnelles et professionnelles signées par des artistes habituellement associés aux pratiques commerciales. Si l’exposition était inégale, tantôt délirante, tantôt convenue, le travail du collectif 123Klan a tout de même attiré mon attention.   

123Klan a vu le jour dans le Nord de la France en 1992. Issu d’un couple de graffiteurs, 123Klan est pionnier dans l’art de mélanger graffiti et design sur Internet. L’entreprise qui compte Hasbro, Coca Cola, Playstation, Footlocker, Nike, Sid Lee – et j’en passe – parmi ses clients est aujourd’hui basée à Montréal.
   

De leur travail, on retient le style léché, les couleurs en aplat, franches, vives, les images chargées. À leur manière, ils revisitent finalement l’esprit de la rue, la culture jeune, populaire et frondeuse.    


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D’une façon complètement différente, le designer Yuri Suzuki s’est lui aussi intéressé au graffiti. Y voyant une manière de s’approprier l’espace public, il propose, par exemple, de le jumeler avec des stations de radio clandestines. Ainsi, une station de radio se crée une image aux lignes pures, semblable à un code barre, et à l’aide d’un stencil, en décore les murs de la ville. Les utilisateurs n’ont qu’à photographier l’image sur leur portable et celui-ci fait le lien par Internet vers la station de radio. Autrement dit, le graffiti fait ici, ironiquement peut-être, office de publicité réservée aux initiés.  

  

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Du reste, l’exploration des possibilités qu’offre le graffiti n’est pas nouvelle. De fait, sa grande visibilité, son caractère subversif et son esthétique unique intéressent les artistes. Depuis quelques années, par exemple, le Graffiti Research Lab organise régulièrement des événements visant la recherche et le développement de cette forme de communication urbaine. Des cellules du GRL sont présentes dans plusieurs pays et proposent des variations techniques à la bombe aérosole, des graffitis de lumière. Vous voyez?

vendredi 11 septembre 2009

Le design graphique était-il meilleur en 1989?

Dans son édition de mars 2009, la revue britannique Grafik posait la question : est-il plus facile d’être designer graphique maintenant ou était-ce plus facile en 1989? Les six réponses présentées sont ambivalentes : “Graphic design has become more accessible, less effort and much quicker. You can do things now you couldn’t even dream about in 1989. But despite the obvious benefits, computers have also allowed every man and his dog to believe they are designers”, écrit par exemple Mike Denny de la firme Roundel.

Nous sommes effectivement de la génération Mac. L’ordinateur, qui a vu le jour en 1984, est rapidement devenu la marque de commerce des artistes graphiques et il est maintenant Impossible pour nous d’imaginer le travail que représentait le tire-ligne et le montage d’affiche au letraset.

Mais si la pratique graphique se base aujourd'hui sur les différents logiciels de la suite Adobe, il existe un réel attrait pour la matière chez les jeunes designers. Une envie de travailler les textures, les objets, de juxtaposer des éléments, d’en examiner les reliefs et de jouer avec les contrastes. Pensons au travail de Julien Vallée qui, récemment, faisait la couverture du magazine IdN.


Plus encore, certains artistes s’efforcent de travailler à la main et cette vision “old school” du travail de designer prend une place de choix dans l’univers visuel de 2009.

D’une part, certains y voient un esthétisme plastique, tout en nuances et en précision, rendu possible par l’utilisation de différents matériaux et de plusieurs techniques. C’est le cas de Stéphan Muntaner, fondateur du studio C-ktre à Marseilles, dont les oeuvres étaient récemment publiées dans la revue Grafika. Ses affiches, marquées par la surcharge d’éléments, revendiquent fièrement leur côté artisanal, à la main, d’inspiration vintage.


D’autre part, on retrouve chez certains designers un côté plus brouillon, à la recherche des textures. Les illustrations sont égratignées, la typographie, inégale. Ce courant est souvent associé à la sérigraphie, aux illustrations comiques, à la bande dessinée.

Dans les deux cas, toutefois, le travail par ordinateur n’est pas exclu. Vu comme un outil, ce dernier permet au travail d’avancer plus rapidement, d’être poussé plus loin. Parce que ce que l’ordinateur donne surtout c’est le droit de se tromper et de recommencer. Une liberté, donc, dont tirent avantage les designers de 2009.


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jeudi 3 septembre 2009

Quand la tradition et le design se côtoient : visite de Blackbox

Oaxaca est souvent présentée comme la capitale culturelle du Mexique. Située dans le sud du pays, l’architecture coloniale y est belle, les rues piétonnes, agréables, les commerces et galeries d’art, nombreux. Sur le Zòcalo, des membres issus de différentes communautés donnent rendez-vous aux habitants et aux touristes pour vendre leurs produits.

Gustavo Fricke y a élu domicile et y a travaillé jusqu’en 2008 comme designer. Ses réalisations incluent la signalisation du collège La Salle, le design complet du café La Pochotita et la conception de l’exposition du 475eme anniversaire de la ville. Son oeuvre est marquée par une conscience de l’environnement et un respect profond du milieu. De fait, il note sur son site personnel:
Design represents us; it is our reflection. Let it be one that exemplifies all that is good in us.

Visionnaire, il fonde, en 2005, Blackbox. L’entreprise est à la fois un espace de création et un magasin qui regroupe sous son toit le savoir-faire ancestral de la région et le design original de son fondateur. Du reste, la mission est claire :
Oaxaca has one of the highest emmigration rates of all Mexican States. In response to this, Blackbox seeks to create a solid, high quality and creative handcraft industry that includes several communities in the creation of new products.

This project provides jobs in rural Oaxaca, and therefore respects an ancestral way of life that was inherited through the generations.

Every product is unique, breaks with the established and experiments with this form of creation. This is our revolution, our way to seek change, with mud or paper pulp on our hands, sawdust covering our faces and weaving a dream thread by thread, a dream of autonomy, opportunity and freedom that is full of expression…

Jumeler l’artisanat au design est un grand défi : Fricke doit à la fois créer des produits intéressants et respecter les matériaux traditionnels et les façons de faire artisanales. À la fois se sortir du piège du déjà-vu – éviter les modèles reproduits des centaines de fois et présents à tous les coins de rue – et ne pas tomber dans celui de l’excès. Pour y parvenir, Fricke se réfère régulièrement aux motifs classiques de la nature – arbres, fleurs, oiseaux – auxquels il juxtapose des éléments urbains comme des lampadaires. Il crée des objets aux formes particulières, souvent oblongues, lisses, en rupture avec les poteries que l’on voit souvent plus rugueuses, par exemple. Et même si les objets sont résolument créatifs et originaux, ils laissent toujours transparaître les matériaux dans lesquels ils sont créés, vus comme leur essence; les créations reposent véritablement sur la matière.

Gustavo Fricke crée, finalement, des objets utilitaires qui, ne le cachons pas, sauront surtout plaire à une clientèle particulière, amatrice de belles pièces. Des gens qui prennent plaisir à visiter la boutique hétéroclite qui a pignon sur la rue Rufino Tamayo à Oaxaca.


C’est pourquoi l’entreprise peine à survivre, même si l’idée est audacieuse et pleine de potentiel : “The store is not doing good though, we’re still working with a fair price mentality and its hard to make the rent”, explique l’artiste. Néanmoins, il sera prochainement possible de trouver les créations de Blackbox à Mexico et celles-ci sont déjà en vente sur le site Internet de l’entreprise.


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